Actualité Juridique
L'hommage funèbre rendu par le Président du Tribunal arbitral au Conseil d’une partie, établissant entre eux, l’existence des liens personnels étroits, soulève un doute sur son indépendance et impartialité justifiant que la sentence arbitrale soit annulée
En date du 16 janvier 2019, la société Douala International Terminal (DIT), société de droit camerounais, Concessionnaire du Port autonome de Douala (Cameroun), introduisait contre la société Port Autonome de Douala (PAD), une action devant la Cour Internationale d’Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale à Paris (CCI), sous le fondement d'une clause d'arbitrage prévue dans le contrat de concession. Reprochant au Concédant la violation des articles 25 et 31 de leur convention de concession, le concessionnaire estimait que les critères de présélection des candidats fixés par le Concédant, pour le renouvellement de la concession, étaient de nature à l’exclure du processus, car l’empêchant d’y concourir librement. Le Tribunal arbitral constitué rendait, le 10 novembre 2020, la sentence arbitrale partielle n°2421/DDA, par laquelle il donnait raison au Concessionnaire en ordonnant au Concédant de mettre en place un appel d’offres international ouvert, sans phase de présélection.
Saisie en annulation de cette sentence arbitrale le 14 décembre 2020, et réunie en sa Chambre commerciale internationale, Pôle 5, la Cour d’appel de Paris a rendu le 10 janvier 2023, l’arrêt n°4/2023. En l’espèce, le recours en annulation soumis à l’appréciation de la Cour est fondé sur plusieurs moyens dont celui de la constitution irrégulière du Tribunal arbitral, qui a retenu l’attention de la juridiction. Le Concédant estimait que les articles 1520, 1456, 1506 du Code de Procédure Civile français, et l’article 11 du Règlement de la CCI avaient été violés dès lors que plusieurs faits établissant l’existence des liens personnels non notoires, entre le Président du Tribunal arbitral et l’Avocat du Concessionnaire, ont été découverts et exposés au travers d’un hommage funèbre rendu par le premier au second. Ainsi, l’impartialité et l’indépendance du Président du Tribunal arbitral étaient remises en cause d’autant plus qu’il avait omis de déclarer ces faits.
La Cour, sur la base des dispositions des articles 1466 du Code de procédure civile français et l’article 14.2 du Règlement de la CCI, a d’abord considéré dans un premier temps que le recours est recevable car les faits précités ont été révélés postérieurement à la sentence arbitrale de sorte que le Concédant ne saurait être réputé avoir renoncé à s’en prévaloir. Ensuite, dans un second, elle a procédé à la distinction entre les faits susceptibles de justifier l’annulation de la sentence arbitrale pour défaut d’impartialité et d’indépendance de l’arbitre et ceux qui ne peuvent prospérer. La Cour retiendra au final que, la proximité et l’intimité ainsi révélées entre le Président du tribunal arbitral et le Conseil du Concessionnaire sont de sorte à conduire à regarder cette relation comme caractérisant l’existence de liens personnels étroits. Après avoir considéré sur cette base que le Tribunal arbitral avait été irrégulièrement constitué, la sentence arbitrale sera annulée par la Cour motif pris de ce que cette relation aurait pu provoquer un doute raisonnable dans l’esprit des parties quant à l’impartialité et l’indépendance de l’arbitre.
A voir également :
Cour d'Appel de Paris, Pôle 1, chambre 1 , no 17/13479 du 20 Décembre 2018
Cour d'appel de Paris, Pôle 1, chambre 1 , no 16/22740 du 25 Février 2020
Cour d'Appel de Paris, Chambre de commerce internationale , no 20/17923 du 11 Janvier 2022
Texte (s) de loi appliqué(s) : Articles 1520, 1456, 1506 du Code de Procédure Civile français ; 11 et 14.2 du Règlement de la Cour Internationale d’Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale à Paris (CCI)
Voir aussi
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